L’Effet Falaise, commissariat Gaël Charbau, 81 Boulevard Voltaire, Paris, octobre-novembre 2019

Texte sur les Naufragés par Isabelle Renard, conservatrice des collections du Musée National de l’histoire de l’immigration
Maxime Biou s’intéresse avant tout à la figure humaine. Privilégiant le portrait, il peint essentiellement sa famille et ses proches, saisis dans l’attente, le relâchement ou le sommeil. Irrigués par une certaine mélancolie, ces personnages oscillent entre présence et absence[1].La figure animale fait également partie de son écriture plastique : chiens, chevaux peuplent ses toiles de leur fragile abandon. Si l’artiste avoue s’être essayé à plusieurs médium comme la photographie – qu’il utilise du reste comme support pour ses peintures – c’est bien à la peinture (non pas l’acrylique) mais l’huile sur toile que va sa préférence. Pour avoir justement ce contact avec la matière : « la matière et sa composition m’intéressent en premier lieu. Le sujet et l’effet qu’il produit, chez moi ou chez les autres, est une question plus récente »[2].Il y a certainement quelque chose de Lucian Freud – il en reconnait l’inspiration – chez ce jeune peintre de la matière dont le travail sur la texture et la manière de sonder les êtres donnent à l’œuvre toute sa force.
En 2019, un fait d’actualité le pousse à réaliser l’huile sur toile « Naufragés ».« Le point de départ des « Naufragés » fut le visionnage d’un film à la télévision dans lequel on voyait des personnes ayant survécu à un naufrage en méditerranée. Aussitôt, j’ai voulu retranscrire la sensation que j’avais éprouvée devant ces images, avec le souhait de créer une image universelle de ce que pourraient être des « naufragés » », révèle l’artiste. Nourri par les maîtres de la peinture, Maxime Biou traduit en référence au « Radeau de la méduse » de Géricault, sa vision des naufragés dans une construction précise ou tout est parfaitement maitrisé. Si le tee shirt rouge rayé de jaune du jeune garçon (au pied qui dépasse le carton comme dans le tableau de Géricault) donne un indice temporel et permet de replacer l’œuvre aujourd’hui, Maxime Biou livre néanmoins une image intemporelle. Le fond aux tonalités beiges et terreuses est dépourvu de toute trace possible de contextualisation géographique. Le carton, radeau contemporain, semble devenir le territoire éphémère de ces hommes en transit, peut-être migrants de passage qui, le temps d’une nuit ou plus, lovés les uns contre les autres, espèrent un sauvetage. En plaçant ces personnages baignés par une lumière crépusculaire au centre de la composition, Maxime Biou dessine une véritable icône des êtres chavirés par le déracinement, les guerres, l’immigration, la pauvreté…
Une peinture du silence, hantée par le manque et l’absence qui contrairement à la photographie suggère plus qu’elle ne donne à voir. Dans un jeu d’ombre et de lumière, se révèlent la fragilité des existences humaines et les drames contemporains.




