Exposition collective à la Galerie Charraudeau, 3 rue Bonaparte 75006 Paris, du 05 Décembre 2021 – 30 Janvier 2022
Curated by Nikita Dmitriev

Soliloquy
La première chose qui frappe l’oeil du spectateur alors qu’il observe les tableaux figuratifs de Malù dalla Piccola, Julian Simon, Annabelle Agbo Godeau, Maxime Biou, Tatiana Pozzo di Borgo et Sergey Kononov est le plus haut degré de leur virtuosité, qui semble dans une large mesure avoir disparu de l’art contemporain. Ceci est devenu le point de départ de l’élaboration de la présente exposition, rassemblant des jeunes artistes-peintres, qui jusqu’à maintenant ne connaissaient guère leur travail respectif. Il s’est également avéré que bien qu’ils viennent de milieux sociaux et géographiques assez hétéroclites, ces plasticiens partagent beaucoup de leurs imageries, enracinées dans la domesticité, la fragilité et la contemplation. Maxime Biou, Tatianna Pozzo di Borgo et Malù dalla Piccola s’intéressent également aux objets du quotidien, comme des oeufs, des cartons vides, des pots de fleurs, des tabliers, des tasses. Sergey Kononov, Maxime Biou et Malù dalla Piccola créent des portraits psychologiquement minutieux de leurs amis, parfois endormis ou déshabillés, dans leurs environnements familiaux. Malù dalla Piccola et Tatianna Pozzo di Borgo produisent des autoportraits nus ou à moitié nus, prenant des poses extravagantes, que l’on ne peut faire que quand personne ne nous regarde. Annabelle Agbo Godeau et Julian Simon mettent en scène les situations de romance, méditation et vulnérabilité, en s’inspirant de la vie nocturne et du cinéma. La ontemplation de soi, l’expérience de sa propre personnalité est le centre d’intérêt commun de tous ces artistes. Leurs peintures font écho à l’idée antique de l’oeuvre d’art en tant qu’un chef-d’oeuvre et un sujet de réflexion philosophique. Ce n’est pas surprenant donc, que les artistes de Soliloquie puisent l’inspiration dans de différentes couches de l’histoire de l’art entre le baroque italien du 17ème et le réalisme américain du 20eme siècles, en réinterprétant leurs différents thèmes avec une grande habileté. Cependant, l’intérêt esthétique de ces oeuvres, dans l’ensemble, s’étend plus loin. Lauréat du Prix Nobel, l’écrivain Joseph Brodsky avait l’habitude de s’appeler le «serviteur du langage», déclarant que ses poèmes ne s’écoulent pas de sa «conscience», mais sont plutôt «dictés» par le langage vivant en lui, comme un être autonome. Dans le même sens, les participants de Soliloquie sont les «serviteurs de la peinture». En se rendant compte de multiples correspondances entre les vocabulaires symboliques des artistes, de l’atmosphère méditative de leurs toiles, tout comme de leurs processus de production chronophages et intenses, on commence à deviner, qu’à partir d’un certain niveau d’excellence le «talent» gagne souveraineté sur la «raison» de l’artiste et trouve sa propre façon de s’exprimer peu importe la conjoncture du moment. Ce manque d’attention aux tendances du monde de l’art est profondément symptomatique. Il y a quelques années, le plasticien Pierre Huyghe a suggéré que dans l’avenir le terme d’»art contemporain» – quelque chose de minimaliste, intellectuel et militant, comme on le perçoit actuellement – voudrait signifier non pas une période dans l’histoire de l’art, mais plutôt un mouvement, parmi de nombreux autres mouvements faisant partie du paysage créatif d’aujourd’hui. Et les participants de Soliloquie, sans aucun doute, témoignent en faveur de cette opinion.
